Into the Wild : une confrontation avec la nature
L’auteur
Né en 1954, Jon Krakauer est un écrivain et alpiniste américain et collaborateur du magazine américain Outside. Il a publié de nombreux articles dans National Geographic et Rolling Stone. Deux de ses livres sont disponibles en français, Rêves de montagnes et Tragédie à l’Everest.
Résumé de l’ouvrage
Into the Wild est un document, une enquête suite à la vie et à la mort mystérieuse de Chris McCandless. Jon Krakauer repart sur les traces du jeune homme, nous livrant à travers des cartes, des témoignages et des suppositions ce qu’était la vie de Chris, jeune homme brillant qui à l’âge de 23 ans abandonna tout derrière lui, pour partir vivre une vie de vagabondages et réaliser son rêve d’Alaska. Publié pour la première fois en 1996, ce livre a été adapté en 2007 par Sean Penn à l’écran.
Avis de Lucie
Il y a quelques années de cela, le film Into the wild m’avait retournée et j’avais été bouleversée par le personnage et le talent de l’acteur Emile Hirsch. Chris McCandless me fascinait par son courage et sa liberté, mais m’effrayait aussi de par sa constante prise de risque. J’avais envie de mieux le comprendre, et à travers lui de mieux comprendre certaines de mes envies de liberté. Le livre détenait la réponse à toutes mes questions et je l’ai donc dévoré. Ce livre est sans doute un des plus essentiels que j’ai jamais lu et je pense que beaucoup de voyageurs en apprécieront la lecture et se trouveront comme moi des similarités avec le personnage, notamment dans leur démarche de voyage.
Jon Krakauer nous offre donc dans ce livre des clés de compréhension d’un personnage incompréhensible et de tant d’autres aventuriers moins connus qui ont eu le même genre de parcours. Je ne dis pas que je vais aller vivre en Alaska face aux éléments et à la nature, mais je comprends Chris et son besoin d’indépendance et de solitude. Le livre est un reportage très complet. L’auteur a vraiment exploré toutes les pistes possibles de recherches et a même fait un retour sur lui-même pour mieux comprendre le personnage. Des cartes agrémentent l’itinéraire. Seul reproche, je trouve qu’il n’y a pas assez d’extraits du journal, et je suis vraiment déçue de ne voir aucune photo prise par Chris à l’époque.
Si ce document ne suscite pas l’émotion du film et ne fait pas revivre sa poésie, il en reste tout de même un livre essentiel pour tous ceux qui se sentent l’âme vagabonde, solitaire et indépendante. Un hommage à tous ces aventuriers incompris qui ont choisi un chemin différent de la voie toute tracée par la société et les conventions. Une lecture essentielle et une source d’inspiration pour tous les voyageurs et vagabonds de ce monde.
Avis de Marjorie
(pour l’instant, ce sera uniquement sur le film 😉 je fais ma mauvaise élève !)
Comme le dit Lucie, ce qui nous touche nous émeut, en tant que voyageur, tant dans le livre (j’imagine) que dans le film c’est la démarche radicale et sans concession de Chris. De ce que j’avais vu du personnage recréé par Sean Penn, Chris n’est pas qu’un voyageur, c’est un artiste du voyage, mais un artiste tourmenté, maudit. Ses voyages sont des tentatives qui s’inscrivent dans une quête de soi, de son identité. Peut-être est-ce un rousseauiste, un homme qui, pensant que la société est corrompue, est à la recherche de sa propre nature, celle qui n’aurait pas encore été pervertie par le système, l’argent, l’éducation ?
Un personnage en fuite, diront certains, même si je rejette le mot car la réalité est toujours plus complexe et on ne peut enfermer une telle vie sous un seul mot… Ceux qui disent que le voyage est une fuite n’ont pas envie de se confronter aux vérités que l’on trouve au cours d’un voyage. D’ailleurs, Chris est à la recherche d’une vérité. Et d’ailleurs, il la trouve, et nous avec, à la fin du film.
!attention spoiler! ^^
La vie ne vaut que si elle est partagée, en substance. Un précipice s’ouvre sous nos pieds quand on la découvre, c’est un cliché, un poncif. Lui qui fuit la société découvre que la société (même réduite à deux individus) nous constitue en tant qu’être humain, qu’elle est un terreau qui fait naître le sens. Que vaut la liberté pour soi seul, si elle ne se confronte pas à l’Autre, qui justement en retour nous confronte à nous-même, qui peut-être donne sens aussi à nos expériences, à nos sensibilités ?
Le film, le livre, la vie de Chris nous confronte à nous-même, à notre quête, nos interrogations, notre choix de vie qui intègre le voyage comme une composante de notre personnalité. Chris est un héros tragique moderne dans notre société occidentale.
Lucie est l’auteur de Voyages et Vagabondages et Marjorie de Allaroundzeworld. Toutes les deux habituées de l’expatriation, elles partagent avec vous leur passion pour la lecture et le cinéma de voyage.
Etrange de lire cet article maintenant… Il y a une dizaine de jour, j’ai vu le film, complètement par hasard et forcément, j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps à la fin. C’est sans doute parce que Chris a eu une démarche (si l’on parler ainsi) si radicale avec une fin si tragique que cela en fait un si bon sujet de cinéma ou de livres. Comment n’aurait-il pas pu prendre ce chemin ou se préparer, quand il a été protégé et “conduit” l’essentiel de sa vie.
Mais il se peut aussi que les traits aient été grossis par Krakauer puis Penn qui s’est inspiré du livre…
J’aime bien l’idée de cette chronique avec deux intervenants différents.
Je ne peux pas réellement m’exprimer sur le film, qui ne m’a pas marqué, mais je lirais bien le livre un jour ou l’autre.
NowMadNow
Bien contente Nowmadnow que le principe de la chronique te plaise, il y en aura d’autres! 😉
j’ai adoré le film, mais il montre bien, tout comme le ,roman de Barjavel les chemins de Katmandou, la dichotomie flagrante entre la perception idéaliste du voyage aventurier et la réalité, souvent trop pragmatique et très dure.
Je pense que voyager, surtout en aventurier, nécessite une bonne préparation.
Ceci étant, le film montre clairement une voie alternative a notre, societe consumeriste et fait, avec avatar par exemple, partie des films engagés que j’apprécie
Du coup, je serai très intéressée de lire les Chemins de Katmandou. J’ai encore beaucoup à découvrir niveau Barjavel…
Par contre, on a pas dû voir le même film pour Avatar 😉
Très juste, cette remarque sur les chemins de Katmandou.
Excellent film pour moi aussi ! Mais je vous avoue que j’ai été plus touché par les gens qu’il rencontre sur son chemin que le héros en lui-même…. (Je précise que je n’ai pas lu le livre, malheureusement) Enfin cela montre que les plus beaux voyages se font par les rencontres, et dans la nature 🙂 Un voyage bio, écolo, humaniste en quelque sorte. Il faudrait que j’en parle sur mon blog 😉
Tu as raison, les rencontres qu’il fait font partie de la force du film, notamment le petit papy qui me touche énormément!
OUi, je partage totalement ta remarque, les personnalités rencontrées sont toutes extrêmement attachantes, et justement cela renforce encore le côté tragique de cette histoire. Vraiment rencontrer l’Autre, en voilà un voyage!
L’adoration de certains voyageurs envers ce film/livre m’agace justement parce que je partage l’avis de Martine, et du coup, parfois, je n’ai pas l’impression d’avoir vu le même film ! Oh, j’ai adoré, bien sûr, mais il n’y a pas grand chose que je puisse lui envier ou qui me fasse rêver, à part les paysages !
J’espère que la plupart des gens partent pour d’autres raisons que lui, et n’apprennent pas autant de choses à leurs dépends ! C’est un fils à papa qui décide de ne plus en être un et part n’importe comment avec de grandes idées d’aventures, mais aucune expérience…
J’ai presque envie de dire heureusement de ça se termine mal, sinon, on aurait eu encore plus de gamins voulant l’imiter !
As-tu lu le livre Madame Oreille? Car j’y trouve une autre dimension. Certes, c’était un fils à papa, mais le livre donne l’impression que fils à papa ou pas, le problème était le même, il avait besoin de partir, d’être indépendant et sans attaches. Certes, il n’avait aucune expérience, mais le livre parle d’autres comme lui, bien plus préparé qui ont ressenti ce même besoin de partir sans se retourner. J’ai eu l’impression de comprendre un peu plus le personnage.
De là à l’envier je ne sais pas. J’envie son indépendance et son absence d’attaches, mais je suis bien trop peureuse pour suivre sa trace… Bref, ma lecture du livre remonte un peu et je ne peux donc argumenter clairement, mais je te la recommande en tout cas si ce n’est pas déjà fait!
En fait, mon commentaire visait plus les dizaines de message qu’on trouve sur les forums : “j’ai vu into the wild, et je veux faire pareil”. Et t’as juste envie de leur demander s’ils ont vu la fin.
De gens qui partent à l’aventure, y’en a des centaines, à toutes les époques, et Krakauer n’est, à mon sens, pas le meilleur modèle à prendre.
Son histoire est touchante, le film est passionnant, et forcément, on se trouve des points communs, mais j’ai du mal à comprendre ceux qui veulent l’imiter.
Voilà, ce n’était pas une critique du personnage (fictif ou réel) mais plutôt de ses groupies.
“J’ai presque envie de dire heureusement de ça se termine mal, sinon, on aurait eu encore plus de gamins voulant l’imiter !”
Je te rejoins sur ce dernier point… en cours de vidéo, j ai aussi vu un reportage sur un homme qui a tenu un livre décrivant page par page son suicide dans les bois par la faim… j ai malheureusement oublie le nom.
Genre le mec il part dans les bois et il ne se nourrit plus ?
Il peut pas prendre des médocs comme tout le monde ?
Je comprends ce que tu veux dire. Mais j’avoue n’avoir jamais croisé ce genre de groupies….
Je ne lis plus vraiment les forums, donc je ne sais pas s’il y en a encore, mais il y en avait pas mal, et même dans mon “entourage éloigné”. Je doute que beaucoup aient franchis le cap, mais c’était globalement le même profil : pas un sous, problèmes avec les parents, ne veut plus vivre avec eux, et pense avoir trouvé la solution en visionnant le film !
Oreille, ton coup de gueule est jouissif! Je finissais par croire que ce film était canonisé 🙂
Aline
<> Premièrement Oreille, on ne souhaite pas la mort de quelqu’un, il faut parfois surveiller ses paroles. Les gens qui se sentent prêt à faire pareil, à tout quitter pour partir en quête de soi-même, pourquoi pas ? Il suffit seulement qu’ils fassent leur propre chemin et pas celui de Chris. Il est parti en Alaska car il pensait trouvé la vérité la bas, à chacun de trouver l’endroit où il se sentira bien. Pour finir, si chacun vivait comme il l’entendait (ce qu’à fait Chris) le monde s’en sortirais bien mieux !
<><> Premièrement Oreille, on ne souhaite pas la mort de quelqu’un, il faut parfois surveiller ses paroles. Les gens qui se sentent prêt à faire pareil, à tout quitter pour partir en quête de soi-même, pourquoi pas ? Il suffit seulement qu’ils fassent leur propre chemin et pas celui de Chris. Il est parti en Alaska car il pensait trouvé la vérité la bas, à chacun de trouver l’endroit où il se sentira bien. Pour finir, si chacun vivait comme il l’entendait (ce qu’à fait Chris) le monde s’en sortirais bien mieux !
J’ai lu le livre après avoir vu le film. Déjà, j’ai trouvé le film super, mais le livre est encore plus passionnant. Il y a plein de petits détails en plus que vous ne trouver pas dans le film. Un ambiance et une atmosphère incroyable. Même si vous avez vu le film vous pouvez lire le livre, vous découvrirez plein de nouvelles choses !
Merci de ton témoignage Cali, cela fait plaisir de trouver des gens qui ont lu et apprécier le livre!
Le film est une pure merveille, et cet article me donne très envie de me lancer dans la lecture de ce roman. Merci !
Lance-toi Camille, tu ne le regretteras pas!
Je ne peux qu’approuver tout cela (à propos du film). Je n’ai pas lu le livre.
Cet idéaliste nous entraine dans une extraordinaire épopée, qui malheureusement tournera au drame.
Excellent film.
Hello,
Martine, le film t’a bouleversé pour écrire un si long commentaire !
Quel homme courageux de lâcher sa vie en or afin de vivre l’aventure et la vie de ses rêves…
J’attendrai un peu pour faire la même chose….lol !
Merci pour vos commentaires tous les deux. Vous avez bien raison sur tout ce que vous dites. Je vous conseille de lire le livre, qui va bien au-delà du voyage et des belles images…
Wah ! Que dire de plus après un tel commentaire ?
Moi aussi ce film m’a bouleversé. Chris est un jeune homme très idéaliste avec un fort caractère. Il avait une vision du monde différente qu’il empruntait dans les livres de Tolstoi et de Jack London. On peut facilement s’identifier au personnage mais comme le dit Martine, il faut voir plus loin que les images. Tenter de s’échapper de la réalité comme le fait Supertramp n’est pas une bonne chose et peu mener a des conséquences dramatiques.
Si on se place dans le contexte nord-américain de l’histoire, il faut aussi comprendre que Chris n’était pas nécessairement en quête de voyage ou de liberté ou de dépassement de soi ou de connaissance de lui-même. Il était aussi en rébellion contre la famille type nord-américaine qui ne permet pas, ne lui permettait pas de vivre sa vie tel qu’il le désirait. Il était pris dans un étau de conservatisme, de puritanisme, avec des parents très conservateurs pour qui les apparences et la réussite sociale étaient plus importants que l’accomplissement personnel. Obligé de suivre les études “choisies” par son père, dans l’université “choisie” par son père, avec l’argent de son père, … ce qui ne correspondait pas à ce à quoi il aspirait.
Il y a donc aussi un conflit de génération et de société important dans cette histoire. Il ne fuyait pas, il voulait aussi prouver à son père (la fameuse relation père-fils…) qu’il pouvait réussir sa vie sans lui, sans son soutien.
D’ailleurs, il faut aussi savoir que Chris était en admiration devant les premiers grands explorateurs américains, devant la ruée vers l’or vers le nord, devant les grands gestes d’abnégation de soi de Thoreau et autres pères de la simplicité volontaire.
Chris n’était pas un voyageur: c’était un rêveur, un idéaliste, un romantique, un curieux,inexpérimenté et mal outillé surtout face à la vie.
Il faut voir beaucoup plus loin dans ce film que la notion de voyage, sur la route ou intérieur. C’est un film sur la rébellion de la nouvelle génération nord-américain face au conservatisme, à l’individualisme. C’est un film très triste, intense, désolant. La vie de Chris est le résultat du dérapage de notre société et malheureusement, sa vie a été un peu trop idéalisée; plusieurs jeunes ont voulu faire comme lui, croyant que c’était possible, sans vraiment être conscients des conséquences.
J’ai adoré ce film, je l’ai vu à plusieurs reprises et j’en suis encore bouleversée car sa vie ressemble tellement à celle de plusieurs jeunes adultes qui souhaitent s’affranchir mais sans trop savoir comment et qui choisissent souvent la mauvaise route…
Tout à fait d’accord avec toi, Martine. Merci pour ton précieux commentaire.