J’ai passé -relativement- beaucoup de temps dans les parcs nationaux polonais comme Ojcow et Bialowieza durant mon petit tour de Pologne après quelques excursions dans les tatras polonaises. A chaque fois, je repoussais le départ. Une nuit de plus dans le calme et la fraîcheur des bois, une journée de plus à se balader sur les sentiers. Encore une nuit, encore un jour, juste pour ne pas revenir. Pas tout de suite. La ville est/semble si loin… Le plaisir que je ressentais, au retour de mes escapades nocturnes, alors que mes pieds me menaient sur une route ou un sentier, éclairé par la lune et les étoiles, devaient y faire beaucoup. Je n’avais pas froid. Je ne me sentais pas seul. Je me sentais libre. Paradoxalement, en ville, je me suis déjà senti terriblement seul parmi la multitude qui passe sans vous voir. Jamais en forêt.
Avec la lumière des lampadaires et la pollution nocturne, on voit rarement les étoiles en ville… la nuit totale est synonyme d’inquiétude, de stress, de danger potentiel pour le citadin. Quel stress précisément ?
Le pire je pense, celui de l’inconnu. Celui que l’on ne saurait formuler mais celui que l’on ressent tous un jour ou l’autre. C’est instinctif je crois. Les gens qui aiment sortir lorsqu’il y a une coupure d’électricité dans la rue sont rares. Sans électricité, on semble vivre à une autre époque… et au fond, le plus grand danger, ce n’est pas tant la nuit qui règne, que la personne mal intentionnée que l’on peut croiser sur la route. Or, dans les parcs, il y a juste quelques habitants, vous, et la nature… et la nature, elle, s’en fout de votre smartphone dernier cri et de votre portefeuille.
Le plus petit parc national polonais : Ojcow
A 16km de Cracovie, un joli petit parc façon mouchoir de poche qui s’étend sur 20 km carrés environ. Si proche et pourtant si loin. Un peu comme avec une parisienne insaisissable. J’ai mis un peu de temps pour trouver le mini-bus qui allait m’y amener. 6h pour être exact, entre coups de fils au chauffeur, attentes inutiles avec une personne qui croyait que l’arrêt était “là” alors que non, recherches internet infructueuses et malchance… sachant que le bus ne part qu’une fois toutes les 2h environ, ça limite les possibilités… mais j’y suis arrivé.
Lorsque l’on vous dit qu’il y a un micro-climat à Ojcow, vu la taille du parc, vous n’y croyez pas trop. De fait, à Cracovie, non loin, les nuits étaient chaudes au centre ville (et ce n’est pas à cause des polonaises qui se trémoussent sur les pistes de danse). On dormait sans draps dans les auberges. Ici, à Ojcow, en plein été, il me fallait quatre couvertures sur moi et un pyjama à manche longues, pour ne pas geler dans le lit. L’hiver, cela doit être glacial mais magique.
A voir :
- les ruines du château médiéval des Pères
- le château de Pieskowa
- La chapelle en bois sur l’eau
- La massue d’Hercule
- Les grottes
D’étranges rencontres dans les parcs : Assurancetourix ?
Une fois arrivé au parc, on apprend qu’en vélo, le parc, on a vite fait de le parcourir en long et en large (ou presque). Cela tombe bien, je n’avais pas de vélo (ils n’en louent que le we et je suis arrivé lundi) donc cela allait aller tout de suite beaucoup moins vite. Paradoxalement, aussi petit que puisse être le parc avec ses grottes et ses formations calcaires et, bien qu’il soit proche de Cracovie, lorsque je m’enfonçais dans la forêt, je n’ai croisé qu’une personne… un poète polonais. (Oui, on peut croiser des poètes polonais sur un chemin de forêt, oui monsieur !). Le bonhomme sympathique était fort bavard, façon un peu Assurancetourix (le barde dans Asterix). Après 40 minutes de discussions… ou plutôt de monologue, je fus libéré de son emprise. (et sans avoir à la bâillonner bien que cela m’ait momentanément traversé l’esprit)
Pour tout vous dire, même si le parc est petit, avec un chemin bien balisé, sur le retour, j’ai tout de même accompli l’exploit de me perdre, c’est dire (comment cela je n’ai pas le sens de l’orientation, comment ça !!!)… mais je crois être le seul qui en soit capable. De fait, cela renforce un peu le côté aventure… enfin pour moi.
Rentrer par effraction, en Pologne, on peut… mais faut éviter…
Niveau hébergement, j’ai dormi dans une chambre chez l’habitant, rustique (à la fois l’habitant et la chambre, du 2 en 1)… mais cela m’allait. (je vous rassure, ce n’est pas la photo ci-dessus) C’est ce que je cherchais… un peu de “rustique authentique”. J’étais donc tout seul dans la maison, le seul client, du genre, Will Smith dans I am a Legend. Au moins, je n’avais pas à me plaindre du bruit (avouez qu’on se plaint facilement les français). Les propriétaires, très gentils, n’attirent pas forcément le client car ils ne sont pas toujours là… D’ailleurs, comme j’ai changé de chambre dans la nuit (la mienne n’avait pas de prise de courant, rustique la chambre, je vous ai dit), sans les prévenir… et que j’avais décidé de rester une journée de plus (sans les prévenir aussi) et bien ils ont cru tout naturellement que, le matin, j’étais déjà parti et comme j’avais payé par avance, ils m’ont enfermé dans la maison sans s’imaginer que j’étais encore là (ils partent à 6h au boulot). De fait, j’ai du sortir par la grange… je me suis dit, je vais me balader, je reviens et je les préviens qu’au final, je reste. Forcément, je reviens, grange fermée et propriétaires toujours pas là… j’attends. 1h30 passe. Je m’impatiente.
C’est à partir de là que la partie comique commence.
Naturellement, je décide d’escalader la façade de la maison pour rentrer par le premier étage. (pour moi, c’est tout à fait naturel même si j’accepte parfaitement que vous divergiez d’avis sur ce point)
Pourquoi je suis si pressé de rentrer, pourquoi je ne pouvais pas attendre ?
Je construits un petit escalier bancal avec un une chaise et une poubelle. J’escalade la maison. J’évite le nid de guêpe du premier étage (cool, en plus je suis allergique) C’est un miracle que je ne me sois pas tordu la cheville en sautant sur les marches de l’escalier du rez-de-chaussée. Bref, je rentre, content, et là, évidemment, ils reviennent. (ma vie ressemble parfois à un gag du journal de Mickey). Je décide donc fort logiquement de sortir par la fenêtre de ma chambre, pour toquer par la porte, afin de faire mine de rentrer normalement de promenade “comme si de rien” en les prévenant que, au final, je reste une journée de plus.
(sur le coup, cette attitude me paru tout à fait logique, si si !)
(justification) Parce que je me suis dit que si ils me voyaient dans la maison alors que je n’étais plus censé y être, ils penseraient que ,soit ,
1 je me suis caché pendant toute la journée = louche ou stupide (au choix), soit
2 je suis entré par effraction dans leur maison pour une raison X ou Y = encore plus louche
J’imaginais mal leur dire “bah en fait, j’ai escaladé votre maison parce que je voulais absolument avoir accès à la salle de bain pour enlever le bout de saucisse qui me gênait depuis tout à l’heure entre les dents et si j’ai changé de chambre cette nuit sans vous le demander, c’est juste parce que je voulais avoir une prise dans la mienne bien qu’il y en avait dans le couloir”, allez savoir pourquoi, je trouvais que cela ne sonnait pas tout à fait crédible. (je dois avoir lu trop de livres sur les complots !)
Parc national de Bialowieza: dernière forêt primaire d’Europe
Avant de vous parler des bisons et des loups, la question que certains m’ont posé est : à quoi ressemble la dernière forêt primaire d’Europe ?
Une foret primaire est, par définition, une forêt vierge… donc, elle n’a pas été touchée par l’homme (en France, il n’en existe plus). Il ne l’a pas “sali” de son empreinte en portant atteinte à l’harmonie naturelle qui y règne en la façonnant et en l’exploitant selon ses souhaits. Il n’y a pas de logique dans une forêt primaire, dans le sens où la seule loi qui règne est celle de la vie qui côtoie la mort au gré des hasards naturels. Un arbre qui tombe c’est de la lumière pour d’autres plantes, la mort donne la vie et l’arbre ne finit pas en cure dents ou en feuille de papier.
Les désastres naturels comme une invasion d’insectes, un feu, une tempête ne sont que des prétextes au renouvellement de ce paysage naturel. Ils font partis des éléments de la vie. Ils ne sont ni à bannir ni à honnir, ils font partie d’un cycle, celui qui nous voit naitre et disparaitre. La nature, libre, n’exclue pas la mort, elle l’accepte. Elle ne la fuit pas, elle l’utilise.
Entrer dans cette forêt, c’est comme entrer dans une sorte de lieu saint. Une promenade dans le temple sacré de la verdure. Ce jardin d’Eden n’est pas fermé. Il faut dire qu’on parle de forêt primaire tempérée, c’est n’est pas la jungle primaire comme on peut le voir en Guyane. Il y a des coins impénétrables, certes, les marécages et les lieux pullulant de vie suite à la mort d’un arbre par exemple… mais l’impression de l’ensemble qui se dégage est un calme serein, une respiration en suspend. On est là que de passage et notre empreinte sera effacée, oubliée, transformée. J’aime la magie qui se dégage de ces lieux…
A savoir :
- Pour les zones dont l’accès est le plus restreint, la présence du guide est obligatoire.
- Les bisons ont totalement disparu du parc suite aux deux guerres mondiales. L’espèce a été sauvée et réintroduite grâce aux croisement de bisons provenant de zoos
Bonjour, pouvez-vous me donner le nom et les coordonnées du gîte où vous avex dormi dans le parc Ojcow.
Merci.
Felicitations pour votre blog qui est un plaisir a decouvrir. Amicalement ^^
je ne pensais pas que l’on pouvait trouver des parcs comme celui de Bialowieza en Europe… J’irais bien y faire un tour aussi. Y a t-il des animaux dangereux, ou la promenade en solitaire est-elle sans crainte?
Aucun souci Marion. On y rencontre des bisons et des sangliers mais ils s’enfuient… enfin, il vaut évidemment mieux éviter de courir après la mère et ses petits… je me suis promené seul la nuit et il ne m’est rien arrivé. Aucune crainte à avoir
J’adore les parcs nationaux. J’adorerais faire un tour dans le plus petit que tu as visité. Les paysages sont beaux sur les photos. En plus tu y as rencontré un poète! Ça c’est une balade en forêt réussie!
Le voyage, comme la forêt, permettent une chose essentielle: se retrouver avec soi même. Donc, si tu as pu combiner les 2, je me doute bien que ça a dû être rafraîchissant pour l’âme! Ou le cerveau, au choix. 😉
Excellente cette anecdote avec cette chambre chez l’habitant. Finalement ils n’y ont vu que du feu?