Cela fait quelques jours que je suis rentré et pourtant, j’y suis encore.

On ne peut pas parler de voyage, appelons cela une escapade, voilà, une escapade.

Mon escapade au Maroc a duré six jours. Six jours brefs et intenses.

Car ce fut…

Ma première fois

On se souvient tous -ou presque- de notre première fois. Moi ce fut mon premier pas sur le continent africain.

Mon premier pas en dehors de cette Europe qui peut se traverser de long et en large via des vols low cost.

Mon premier saut de puce en dehors de mon territoire de jeu connu.

Je suis un novice du voyage en dehors de l’Europe, si vous me suivez un peu, vous le savez.

Partir au Maroc n’est pas une incroyable expérience en soit, des millions de francais le font chaque année.

Pourtant, pour moi, pour le gingralet en culotte courte que je suis, ce fut incroyable. Dure aussi mais incroyable.

Pas seulement parce que ce fut ma premiere fois.

Un choc

Il y a eu le choc, déjà ressenti, dont j’ai de plus en plus de mal à me remettre à chaque fois. Un malaise récurrent qui plombe le premier jour.

Ce choc des contrastes, de la violence de l’arrivée, de la soudaineté du débarquement. Cela me met KO. J’ai l’impression de ne plus contrôler ce corps qui bouge, qui parle,qui vit mais sans moi, sans ma volonté, en mode automatique. Je vois tout à travers un filtre qui assourdit et atténue tout.

Partir de Pologne sous quelques flocons de neige, traversé l ‘Allemagne pour prendre un vol low cost avec Ryanair d’un aeroport perdu de seconde zone et arrivé au beau milieu d’une matinée marocaine brûlante ? Aucune logique ! J’en viens à me voir, désincarné, en train de donner mon passeport à la douane marocaine en me disant “Est-ce bien moi ? qu’est ce que je fous là ?” Quelques heures d’avions et vous voici dans un autre monde. Pas de jet lag bien sûr, le temps de traversée est trop court mais…  On a l’impression de traverser l’armoire de Narnia ou de sauter à pied joint dans un livre de Tolkien sans parachute.

Je crois que je suis fait pour un voyage plus lent… ou le plaisir d’atteindre le but fixé se mérite par une lente traversée. Par un désir, de la patiente, de la souffrance, des joies et des souvenirs emmagasinés le long du chemin. (Qui a dit que la traversée était aussi importante que le voyage ?) La, c’est trop brutal. Six jours c’est presque le menu fast food du voyage. On a pas le temps de se rendre compte du chemin parcouru, le débarquement semble une illusion. On traverse deux mondes, on découvre une nouvelle culture en l’espace de quelques moments sans intermédiaires, sans sas de décompression.

La couleur dominante du paysage marocain est l’ocre. Un ocre jaune voir rouge clairsemé de vert qui vous saute aux yeux. Comme le drapeau marocain en somme, un brin de verdure sur fond rouge. Cela vous change du gris qui domine l’Europe en hiver une fois que la couche de neige s’en est allée. Les taxis sont fous et sont beiges chiasses (couleur décrite par mon oncle). Beaucoup de vieilles mercedes. A croire que toutes les vieilles mercedes viennent prendre leur retraite à Marrakech. Les rues sont poussiéreuses, des sac plastiques sur le bord de la route donnent un peu de couleur à ces plaques de désert entre quelques constructions ocres elles aussi (sacs plastiques que vous retrouverez avec effarement jusque sur les sentiers de l’atlas, merci la consommation !)

La chaleur vous assaille, la curiosité d’en voir et d’en savoir plus vous dévore. Wikipedia c’est des chiffres et des mots, moi je veux toucher la réalité, la sentir, m’y draper. Je n’ai que six jours pour accumuler mes premiers souvenirs de l’Afrique et du Maroc. Six jours c’est peu, c’est à peine le temps d’une courte romance d’été.

Malheureusement, je fis une erreur. Une grosse erreur.

Maroc, mea culpa

Je ne pouvais deviner, peu expérimenté que je suis, que séjourner dans un hôtel, un hôtel sans âme de surcroit, un soit disant cinq étoiles (mon oncle appelait cela un cinq biscuits, cinq étoiles (piec gwiazdek) et cinq biscuits (piec ciastek) étant assez proches dans la prononciation et cela montre aussi le caractère friable de la réalité par rapport à la fiction) est une erreur sans nom.

J’y reviendrai plus tard. En somme, j’y ai perdu mon temps, beaucoup.

Un hôtel vous apporte du confort et vous anesthésie en collant votre cul aux chaises longues au bord de la piscine.

En ce qui concerne l’anesthésie, je fais un mauvais patient et en plus, je bronze mal (en effet, je crame rapidement, méfiez-vous du soleil hargneux, même en hiver).

J’ai encore du mal après quelques jours à démêler les sensations contradictoires que j’ai éprouvé lors de ce court séjour. Entre la fascination pour cette culture étrangère ou, une fois que l’on prend la peine de supporter de longues heures de voyage sur les routes de montagnes en colimaçon, on découvre les vestiges de l’Histoire de la culture berbère sous nos yeux… la répulsion face au bruit, aux mobilettes, aux tentatives de vols, aux insultes, à la misère, loin des villes, s’estompe et fait place au silence… on rencontre des gens simples, accueillants, vrais. On a honte de notre “richesse” et de notre chance, parfois. On discute, on échange, on ouvre notre esprit. On brise certains à priori hérités de notre éducation et de notre vie européenne. (J’en avais, je l’avoue.)

Je n’ai pu faire de photos de personnes, j’ai eu honte. Marie-Ange, blogueuse d’Un Monde Ailleurs a trouvé le mot exact pour décrire cette sensation : l’inhibition. Un blocage humain qui m’a empêché de me comporter comme ces boeufs d’allemands qui photographiaient (devrais-je dire “volaient l’image sans consentement”) des gens comme si on était à un safari ou dans un zoo. C’est triste de se comporter ainsi.

J’ai eu honte de discuter avec un marocain de mon âge (Abdelfaffiz si j’ai bien noté) alors qu’une sans gêne le mitraillait sous tous les angles. Je regrette de n’avoir rien dit. Je regrette de n’avoir rien fait. Avec la rétrospective, mon passéisme me met en colère. Ne rien faire, ne rien dire c’est aussi acquiescer en silence. Pourtant, je bouillonnais à l’intérieur. C’est dommage, car notre échange a rapidement perdu de son naturel. Ensuite, on a du repartir. Rester neutre c’est aussi faire un choix et pas forcément le bon.

Normalement, le voyage de retour vous permet de prendre du recul, moi je ne l’ai pas.

Je suis maintenant dans mon petit village d’enfance, en France, au calme, cela fait presque 2 ans que je n’y étais pas retourné.

Sur moi, je n’ai que les souvenis colorés de cette visite, mon carnet est resté à Wroclaw. Le peu de photos que j’ai prises aussi. Je vous fournirai des conseils pratiques sur le Maroc à mon retour.

Cet article est assez décousu est pourtant il traîne la depuis quelques jours. Promis, je vais tacher d’en démêler les fils pour vous apporter ma maigre expérience.

Cette extrait ci-dessous vous montre ce que parfois on éprouve (j’éprouve ?) à tapoter sur mon clavier. Le rapport avec le Maroc ?

Je vous expliquerai…

Autre croc planté dans la belle image d’Internet: à vivre par écrans interposés, on est comme absent à la réalité, on oublie son corps, on le néglige et on n’est jamais entièrement engagé dans une relation au monde physique car une partie de soi est aspirée par les liens numériques. Progressivement, on se mue en cyborg.
source : Thierry Crouzet, le retraité de l’Internet