Je sors du train. Air frais. Fatigue. Petit matin. Toute une nuit avachi sur un siège, tête contre tête, coude contre coude, ballotté par les soubresauts du train avec mes compagnons de wagon, tous chinois, m’a exténué. Maintenant. je respire et soupire. Me voilà arrivé, enfin ! Je traîne difficilement mon corps ankylosé hors du wagon. Pingyao.
La ville se réveille et les chauffeurs de taxis m’interpellent. Déjà. Il est tôt pourtant. Aux alentours de 6h00. Je suis le seul client occidental qui déambule sur le parvis de la gare. Avec mes sacs sur le ventre et sur le dos, j’ai l’air de ce que je suis, une grosse tortue maladroite. Je regarde la carte gribouillée sur mon carnet de voyage. Ultime secours lorsque la mémoire fait défaut et les batteries du smartphone sont à plat. A peine 2 petits kilomètres de balade jusqu’à mon auberge. De quoi me ragaillardir.
Un chauffeur tente désespérément de me convaincre de m’y conduire. Il déambule quelques mètres à mes côtés et baisse ses prix tous les trois pas en agitant ses bras dans une position christique. Prix qui étaient déjà ceux du marché. Peut-être souhaite t-il bien entamer sa journée. Peut-être qu’un client étranger porte chance. Je ne sais pas. Il n’est ni agressif ni insistant. J’aimerai lui dire que ce n’est pas le prix de la course le problème. Le problème vient de moi.
J’aime juste marcher. Je veux juste marcher. Comment lui dire ?
Marcher, c’est ce que je fais de mieux en voyage. C’est par hasard que j’ai eu les meilleures surprises. Je lui fait un mini spectacle improvisé de marionnettes avec mes mains ; spectacle décrivant la vie d’un petit bonhomme joyeux qui marche le long d’un chemin imaginaire : moi. Puis je lui souris en prenant la pose du GI américain auto-satisfait, le pouce en l’air, le sourire colgate. J’essayais de faire passer le message “Yeah, j’aime marcher. Marcher c’est cool !”. Cela ne prend pas vraiment. Il me regarde, baisse les épaules de dépit face à mon refus manifeste de vouloir me faire assister pour une si courte distance. Les autres chauffeurs de taxis, qui observaient la scène, accoudés à la rambarde métallique, la cigarette au bec, sont hilares. Ma prestation leur a visiblement plu. Mon futur ex-chauffeur part les rejoindre. Eux et leur volute de fumée. Il me quitte en grommelant quelque chose. Ses propos concernent probablement ces touristes idiots qui veulent absolument marcher. Différence de culture.
Je le salue et salue mon public. Leurs rires repartent de plus belle. Mon chauffeur les ayant rejoint esquisse un semblant de sourire. Il ne doit pas trop m’en vouloir.
Balade dans Pingyao au petit matin
Je m’éloigne. Je dépasse quelques papiers qui brûlent, un chien errant, un commerçant qui balaie son coin de rue. Quel calme trompeur dans ce petit village chinois d’à peine un demi-million d’habitant. Il y a comme un air de campagne. Je me dirige vers la vieille ville et ses remparts de brique.
Étrange sentiment de traverser les remparts d’une vieille cité. Un autre monde. Il y a ceux qui sont dedans et ceux qui n’y sont pas. Il y a ceux qui recherchent l’harmonie et ceux qui pensent l’avoir trouvé avec quelques billets.
Lorsque j’y pense, j’aurai tant pouvoir aimé voir ceux de Beijing avant leur destruction. J’aurai tant aimé qu’ils ne soient pas détruit, tout simplement. Une autre merveille de perdue selon les anciens.
La vielle ville de Pingyao qui a peu bougé depuis l’ère des Ming offre le spectacle que le touriste occidental que je suis recherche tant lorsqu’il s’agit de la Chine. Un temps qui semble comme suspendu. Une relique vivante dans laquelle se balader et se fondre. Une bulle dans une vague de croissance jaune comme un ciel de smog à Pékin. Ici on voit des charrettes tirées par des mules, des vélos, quelques motocyclettes et, heureusement, de rares 4×4 Porsche Cayenne. Un mélange d’ancien et de moderne bien dosé dans des rues bordées par des maisons de bois et de briques que j’imagine traditionnelles, à un étage seulement. Cela vous change des grattes ciels et des grues. C’est fou pourtant cette idée de se dire “C’était mieux avant” Pour nous peut-être… mais pour ces gens en face de nous qui peuvent s’offrir trois repas par jour ?
La veille Pingyao
Je ne voulais pas payer pour me balader sur le mur d’enceinte. Alors j’ai loué un vélo grinçant à 1 euro la journée et je me suis amusé à parcourir le chemin qui borde les fortifications. Plusieurs fois. Ma persistance m’a amené à trouver une faille lors du troisième tour.
Une chinoise qui disparaît dans un passage durant 15 min a éveillé ma curiosité. Une grille ouverte à l’est de l’entrée sud. L’air de rien, je pars vérifier. Il y avait des chaines mais on pouvait passer. J’ai fait le filou et j’ai grimpé. Le vélo étant resté en bas, je ne suis pas allé bien loin bien longtemps. Quelqu’un m’a par la suite remarqué et s’est empressé de fermer le cadenas des chaines au cas où l’idée de revenir m’eut traversé l’esprit.
Pourquoi resquiller me suis-je demandé en me perdant dans les ruelles aux pavés défoncer de la ville ?
Difficile question.
L’envie de se sentir parfois comme un vagabond sans le sou ? Le désir de ne payer son ticket comme tout le monde, comme les autres touristes ? S’imaginer comme un espion qui se faufile à travers les murailles ?
Un peu de tout cela peut-être. Les quelques minutes sur le mur ont un autre goût. Celui de l’interdit. Il y a une phrase qui sonne dans ma tête.
Tout ce qui est bon en ce monde est soit illégal, immoral ou fait grossir. Peut-être devrait-on alors interdit la paix, la préservation de la Terre et l’amour ? Les gens mettraient alors plus d’ardeur à la tâche. Je me détache de ces pensées et je m’attelle à une tâche plus importante. Remplir mon ventre qui gargouille.
Je le remplis de nouilles étranges. On dirait des ténia…
[well]Pour préparer votre séjour en Chine
- Guide Chine : Guide Lonely Planet Chine
- Transport Chine : trouver un vol pas AR pour la Chine
Puis je file dans les rues de Pingyao parce qu’il y a tant à voir. De nuit…
J’ai un faible pour les lampions. Je ne sais pourquoi, ils ont comme un parfum de fête. Un Noël avant l’heure.
Un moine qui se balade… et que j’ai recroisé plus tard dans un restaurant. Il me fit alors un signe de la tête.
Et de jour… le petit marché, vers 7h.
Un musée avant son ouverture…
On déverse du charbon dans la rue. Par certains aspects, cela me rappelle la Pologne où l’on voit encore ce genre de choses.
On répare une maison à l’ancienne.
Une Eglise.
Un coin non loin de la porte est. On se demande si on est toujours dans la ville. On est certainement hors des rues commerçantes et touristiques…
Un commerce fermé ?
Les lumières de l’entre deux.
Mon auberge et ma chambre à Pingyao,
No.69.Yamen street, Pingyao, 31100, Chine
Salut ! Je lis ton blog et tes voyages depuis aujourd’hui seulement et c’est terriblement tentant, mais je n’ai pas trouvé le pays qui m’intéresse, la Thailande !
Mon amie nous offre un voyage la bas cet été, pour 3 semaines (elle est juste dingue !) et je cherchais un peu d’infos dessus, tu n’y as jamais voyagé ou tu ne connais pas d’autres sites qui en parlent ?
Merci d’avance !
Il y a plein d’autres pays qui m’attirent avant la Thaïlande donc je ne m’y presse pas. Beaucoup y vont car c’est pas cher… beaucoup y vont donc pour la mauvaise raison. J’irai quand le coeur me dira qu’il est temps… ou je n’irai pas.
Tu trouveras plein de sites qui te parle de Thaïlande… mais tout dépend de ce que tu cherches, quel genre de voyage ?
L’atmosphère est bizarre dans ce village on dirait qu’il n’y a pas beaucoup de gens autour portant les chinois sont nombreux 😉
L’infrastructure est surprenante et j’ai remarquer la propretés dans tous les ruelles
merci pour les photos et joyeux noël
Haaa, Pingyao, que de bons souvenirs. Sur les quelques jours passés la-bas, je me levais tous les matins pour faire un footing le long des murailles, c’était très agréable même si les gens me regardaient bizarrement 🙂
J’avais aussi apprécié de rencontrer les membres du club d’anglais de la ville, et tout simplement les balades à vélo dans la campagne autour.
Le gros bémol : le courant qui ne faisait que de sauter et qui m’a fait recommencer trois fois le long mail que j’écrivais 🙂
Tu as fait une belle découverte en Chine. Ça donne envie de partir directement. Marcher c’est aussi bon pour la santé, n’oubliez pas cela.
Quel dépaysement… Voilà qui apporte un peu de baume au cœur en ce triste jeudi matin de novembre ! 😉
Très chouette récit superbement illustré! Tu me fais regretter de ne pas avoir visité Pingyao… ce pays est si grand, tout s’y développe si vite…
Merci pour ce partage,
Greg
Tu auras peut-être l’occasion de découvrir cette ville une prochaine fois 😉
un bon moment d’évasion au travers les mots et les photos, en passant par les ruelles et portes … ça fait envie!
merci Carla.
hehe! c’est fou comme on aime plus marcher que les chinois hein… On a toujours de la peine à expliquer aux chauffeurs de taxis ou autres engins mobiles que pour 2-3 km, on préfère marcher. Pour nous les touristes qui ne sommes jamais venus à un endroit, on découvre beaucoup plus de choses de cette façon… et puis, il faut bien éliminer toutes ces calories ingurgitées avec la super nourriture du coins 😉
Btw, on est pas passé à Pingyao… mais ça à l’air d’être un joli coins! Et bravo pour tes photos…
Oui, comme tu le dis Benoit, on fait de belles découvertes en marchant et on perd des calories. Quoiqu’en mangeant que du riz et pas de pain, on n’en gagne pas beaucoup de toute facon !
Pour les photos, je fais une compile des plus belles dans l’album http://piotr-kroczak.fr/china/
Tu m’en diras des nouvelles 😉
Aaah… la méconception de l’Orient! Ce n’est pas nouveau. Déjà dans Tintin (on a les références qu’on a), on voit Tchang expliquer que les fantasmes occidentaux n’existent pas ou plus. Que la Chine est un pays “civilisé”. Et quand on arrive, on est déçu de ne pas y retrouver ce qu’on pensait y trouver. Maintenant, ladestruction systèmatique d’anciens quartiers dans des grandes villescomme Beijing ou Shanghai me semble plutôt radical.
On a tous des fantasmes de représentation. Je pensais avoir minimisé mes “attentes” de la Chine mais je me suis fait rattrapé par mon imaginaire inconscient.
j’ai tenté de laisser un commentaire, mais il n’apparait pas.. alors je vais tenter une seconde fois.
je comprend très bien Piotr ce que tu veux dire quand on parle de cette attraction pour l’ancien. Ceci est dû en fait à notre imaginaire que l’on se fait de ces endroits depuis toujours. Le message que l’on nous envois dans les films, dans les livres, celui si loin de notre réalité est bien ancré. Les ruelles pavées, les maisons basses aux toits en terra cota sombre avec les pignons qui remontent vers le ciel, les lanternes rouges qui éclairent la nuit.
Cet imaginaire est bien ancrée et c’est celui que l’on recherche lorsque l’on va dans ces pays. Il est la Chine, dans ce cas-ci, que l’on se représente. Celle qui nous fascine tant. Sans être completement contre le développement et la modernité, eux aussi y ont droit, il y a toujours cette nostalgie d’une époque révolu. Et dans cet imaginaire, nous qui sommes de l’extérieur, des observateurs, on n’y voit pas toutes les difficultés que ces peuples ont pu vivre. C’est pourquoi on la recherche tant. Voyager dans le temps est une quête de l’exotisme aussi, car ca nous amène vers l’ailleurs, quelque chose qui nous sort de notre réalité.
Bonjour Rachel,
Les commentaires sont modérés manuellement et je prends la peine de modifier les titres pour ne pas répondre à des “Blogs voyages” “blog tour du monde” etc 😉
Concernant ta remarque, c’est très juste. Comme le fait remarquer Olivier, on part à la recherche d’un exotisme. Non d’une modernité que l’on voit au quotidien. On part à la recherche d’une image idéalisée qui n’est souvent qu’illusion.
T’as raison, c’est un peu fou ce “c’était mieux avant”, Piotr. Je suis toujours assez mal à l’aise avec ça, mais je ne suis pas le dernier, loin de là, à le rechercher. On vient chercher ce qu’on pense être de l’exotisme. J’avais relevé un extrait de “La Coline des anges” de JC Guillebaud qui l’exprime mieux que moi Ne prenons-nous pas pour une “couleur locale” ce qui n’est que l’énergie d’un désespoir ? Allons-nous, à notre tour, nous ébahie de découvrir l’autre si “différent” et enrubanner d’adjectifs une lisère des rues “tellement plus vivante que chez nous” ?
belle citation… elle exprime une réalité.