Voyager en stop avec Anick-Marie

Aujourd’hui, bande de petit(e)s veinard(e)s,  je vous présente Anick-Marie, une “globestoppeuse” comme elle se définit elle-même, qui a déjà parcouru près de 80 000 km en stop au Canada et en Europe. Elle prépare, en plus de son blog, une co-publication sur les modes alternatifs de voyage.

Elle a bien voulu répondre à 9 questions pour présenter ses projets et donner quelques conseils très utiles aux femmes qui veulent voyager par ce moyen. Un grand merci à elle!

 

1. Glopestoppeuse, j’aime beaucoup ce mot… c’est toi qui l’a inventé?

 

Oui, ça m’est venu suite à une tempête d’idées lors de la création du blog. À partir d’une liste de mots-clés, j’ai tenté de trouver une expression positive qui reflétait à la fois ma condition de femme et mon choix de registre de voyage, c’est-à-dire un voyage vagabond d’aventure, en auto-stop, camping et séjour chez l’habitant par exemple. Globestoppeuse m’a paru évocateur et je m’y suis identifiée tout de suite !

 

2.Tu as beaucoup d’activités liées au voyage (conférences, visites dans des écoles, livres…), peux-tu nous en dire davantage, présenter un de tes projets qui te tient particulièrement à coeur?

 

À vrai dire, j’ai fait assez peu de conférences même si c’est un produit intéressant et actuel. En effet, il est difficile d’en asssurer la logistique tout en “vagabondant”, tout en vivant les aventures dans la vie quotidienne. De plus, mon public était restreint dans cette dernière année car je me trouvais à Iqaluit, la capitale du Nunavut (territoire inuit canadien) pendant toute l’année scolaire. C’est quand même un domaine que je voudrais développer car on me dit bonne communicatrice et ce sont des évènements très inspirants au contact du public.

 

Mon projet principal depuis 18 mois est un guide de voyage alternatif en co-écriture avec Nans Thomassey et Guillaume Charroin. Le guide est composé de quelques dizaines de fiches thématiques couvrant des “techniques” de voyage choisies pour leur côtés humain, environnemental et économique tout en comportant une composante d’aventure : auto-stop, hébergement chez l’habitant, voyage à vélo, glanage de nourriture, échange de maison, etc. L’ouvrage s’adresse à tous les niveaux et certaines méthodes n’ont été dévoilées dans les guides, même les plus alternatifs : le train-stop et l’avion-stop par exemple, ou encore le camping urbain. À trois auteurs, nous cumulons suffisamment d’expérience pour parler de réalités concrètes :
nous ne présentons rien sans avoir tenté le coup nous-même et effectué une recherche en profondeur dans les méandres des sous-cultures vagabondes s’y rattachant.
Nous sommes en négociations sérieuses avec une maison d’édition de renom et espérons voir le livre publié au printemps 2012.

 

3. Dans un de tes articles, tu dis “j’ai toujours été frappée par l’inadéquation des recommandations faites aux femmes par des hommes en ce qui a trait au voyage et plus particulièrement à l’auto-stop”. En quoi sont-elles inadéquates? Les préjugés sur le voyage au féminin ont-ils la vie dure, d’après toi?

 

Mon constat se porte particulièrement au niveau du voyage d’aventure qui est un domaine très masculin. À coup sûr, le conférencier confronté à la question du voyage au féminin répondait qu’une femme n’aurait pas pu effectuer un pareil voyage. Ils ne me semblaient jamais préparés à cette question qui est pourtant assez classique ! Pourquoi la réponse n’était-elle jamais mûrie, réfléchie ?

 

Dans le cadre de mes recherches sur l’auto-stop, j’ai écumé près de deux cent sites web, portails, articles de journaux et blogs diffusant de l’information ou prodiguant des conseils.
Lorsque les trucs venaient de femmes ayant de l’expérience, ils me semblaient logiques et sensés pour la plupart, tandis que les conseils donnés par des hommes se résumaient souvent à déconseiller la pratique ou s’avéraient très contraignants, difficilement applicables sur le terrain.
En vérité, il serait inconscient de prétendre que l’auto-stop (ou le voyage d’aventure et par extension le voyage tout court) est dénué de risques pour les hommes et est dangereux pour les femmes.

 

Le danger est toujours présent, sous plusieurs formes dont certaines peuvent être appréciées et maîtrisées. Les hommes oublient souvent le risque d’agression. Une prise de risque contrôlée et consciente peut apporter beaucoup au niveau personnel, tant pour les femmes que pour les hommes. Il s’agit cependant d’évaluer le danger (et le risque) de façon intelligente de faire des choix à la mesure de ses capacités.

 

4. D’après toi, y-t-il une (des) différence(s) entre un voyage en stop au féminin et un voyage en stop au masculin?

 

Absolument. Le risque d’harcèlement et d’agression sexuels est beaucoup plus élevé. Il n’y a pas beaucoup d’études sur la criminalité envers les auto-stoppeurs (deux que je connaisse), mais celles-ci nous sortent à peu près les mêmes chiffres : un nombre d’agression similaire pour quatre fois moins de filles que d’hommes seuls sur les routes environ. On constate que celles qui voyagent à deux ont dix fois moins de chances de vivre une agression et que les hommes sont victimes d’agression et de vol, mais que les crimes à caractère sexuel visent surtout les femmes.

 

Au niveau technique, les différences sont mineures si ce n’est que les filles doivent porter une attention plus particulière aux vêtements qu’elles portent et développer de l’assurance afin de minimiser le crime d’opportunité. Enfin, il est plus risqué de s’endormir ou d’effectuer un voyage de soir ou de nuit.

 

D’un autre côté, une fille attend en général moins longtemps en bordure de route, avec tous les avantages que cela comporte, notamment celui de ne pas être exposé aussi longtemps au regard d’un criminel ou psychopathe potentiel. Les gens fiables se sentent plus en confiance de prendre une fille et ont même souvent un instinct protecteur, comme si c’était leur propre fille. Les femmes prennent aussi plus facilement des femmes – les discussions et les relations nouées en route sont bien différentes !

 

5.  Que conseilles-tu donc aux femmes qui souhaitent entreprendre ce genre de voyage? 

 

  • Obtenir de l’information de première main, c’est-à-dire auprès de femmes ayant effectué des voyages similaires. Elles sont plus à même de brosser un portrait représentatif de ce que la pratique implique dans une région donnée.
  • Planifier les premiers voyages avec soin et faire réviser son plan de route par un(e) habitué(e) de la région. Identifier le parcours optimal, les itinéraires alternatifs, les noeuds autoroutiers, les stations-service juste avant ou après les villes de taille moyenne, etc.
  • Voyager léger et malin, en choisissant des vêtements modestes et confortables, en tenant compte aussi des besoins d’hygiène particuliers à la route.
  • Se déplacer de jour, de préférence tôt en journée et commencer par des distances courtes pour ne pas être coincée dehors à la tombée de la nuit.

 

6. Quels sites utilises-tu pour tes voyages (genre couchsurfing, hospitality club, ….?)

 

Je suis une inconditionnelle de CouchSurfing pour lequel j’ai d’ailleurs longtemps été bénévole (équipe de sécurité, traduction, etc). Les forums sont vraiment de bons endroits où nouer des contacts et obtenir de l’information !
( exemple d‘articles sur le couchsurfing 🙂

 

Je contribue aussi sur Hitchwiki, un portail contributif multilingue international de l’auto-stop qui regorge de conseils, de points de départ, etc. Google Maps fait partie de mes préparatifs quotidiens. Plus récemment, j’ai aussi commencé à utiliser Trashwiki, un site d’entraide à la récupération de nourriture gaspillée dans les villes. Occasionnellement, je consulte également le Pouceux, WikiTravel et les forums du Lonely Planet anglophone.

 

7. Penses-tu un jour globestopper en Asie, en Afrique ou en Amérique du Sud?

 

Absolument ! J’ai vécu au Pérou quelques mois et parle suffisament l’espagnol pour apprécier le voyage. Je m’intéresse plus aux environnements reculés ou arrides comme le désert d’Atacama ou la Terre de feu. L’Asie du Sud-Est me semble un repaire à touristes, mais j’aimerais tout de même y gambader, entre Laos et Malaysie, en faisant un détour chez ma bonne copine NoneSee à Jakarta, une maman et backpacker inconditionnelle de l’auto-stop. Aussi, mon coeur est en Turquie et je rêve de traverser l’Asie centrale dans un avenir proche.

 

Pour tout te dire, l’Afrique me fait peur. C’est un continent immense et si diversifié ! J’ai peur d’y être avalée et de plus avoir envie d’en ressortir. J’ai une amie à visiter à Libreville au Gabon… mais comment m’y rendre ? Je me vois bien partir de l’Espagne vers le Sénégal en stop, puis traverser l’Atlantique en bateau-stop jusqu’à la Caraïbe… 😉

 

8. Aurais-tu une petite anecdote à nous raconter sur un voyage en stop?

 

Près de Zurich, une jolie femme en BMW noire m’a prise alors que le jour tombait et que j’étais à moins de cent kilomètres de ma destination. Elle m’a expliqué qu’elle avait un contrat à aller faire à deux endroits et pouvait ensuite aller me mener, mais que ça ne prendrait pas beaucoup de temps, une demie-heure à chaque endroit, puis qu’elle irait me mener. Je ne comprenais pas bien ce qu’elle m’expliquait car mon niveau d’allemand n’est pas très fort, alors imaginez le suisse-allemand !

 

Environ dix minutes avant notre arrêt au premier endroit, j’ai réalisé qu’elle était strip-teaseuse pour des fêtes privées. J’ai pu assister à ses deux performances et lui poser des questions, voir la réaction des gens, etc. Elle m’a avoué que ce n’était que son boulot de fin de semaine et qu’elle effectuait la même routine depuis plus de sept ans. Quand je lui ai demandé quel était son boulot sur semaine, elle me dit : “LKW fahrer”, camionneuse !

 

9. Et un projet à venir?

 

Tout d’abord un retour aux études en anthropologie et en sociologie afin de m’outiller sur l’étude des cultures, du voyage et des mobilités… Je serai donc ancrée pendant deux ans, mais rien ne dit qu’elles seront consécutives…

 

Avant de me diriger vers des contrées nouvelles, j’aimerais réaliser en Europe une tournée de mes “fleurs”, ces femmes qui ont marqué mes voyages et touché ma vie. Je conçois un voyage de trois mois où je serais exclusivement reçue chez des femmes européennes et avec lesquelles j’écrirais des articles sur le voyage, leurs préoccupations, leurs coups-de-coeur, leurs espoirs.

 

Retrouvez Annick Mariesur Globestoppeuse